26 mai 2020
Avec Michel Lambert
Placé haut par les regrettés Pol Vandromme, Bernard de Fallois et Vladimir Dimitrijevic, trois orfèvres en matière littéraire, Michel Lambert, écrivain, journaliste, est aujourd’hui l’un des auteurs « maison » de Pierre-Guillaume de Roux, qu’il considère comme « l’éditeur quasi idéal, c’est-à-dire un éditeur qui a les qualités de culture et de passion littéraire, mettant la littérature au-dessus de tout, comme Vladimir Dimitrijevic. »
Nouvelliste maintes fois primé, Michel Lambert avait donné, avec L’Adaptation, un livre d’une vertigineuse complexité, où il bâtissait un labyrinthe à l’issue duquel fusionnaient littérature, cinéma et réalité.
Tout le roman baignait dans une atmosphère de nostalgie, de déclin tant physique que sentimental, et de quête - celle du Chevalier médiéval à la poursuite d’une Dame inaccessible. Son dernier recueil de huit nouvelles, Je me retournerai souvent, qui doit son titre à Apollinaire, confirme mon verdict de naguère.
Michel Lambert est un virtuose du style, dont le jeu subtil des couleurs et des ciels se révèle pareil à celui d’un peintre de l’ancien temps – nous sommes, rappelons-le, dans les anciens Pays-Bas, pour qui les nuages peuvent refléter des sentiments mouvants. De Prague la magique à la très-pluvieuse Bruxelles, le lecteur y suit Michel Lambert dans ses pérégrinations à travers l’espace et surtout à travers le temps, car l’écrivain n’a pas son pareil pour, du bout des lèvres, sans jamais insister, suggérer je ne sais quelles failles, quand un quotidien terne se métamorphose, quand s’entrouvre une porte dérobée. Tel est le leitmotiv qui traverse cette œuvre raffinée : le temps suspendu, retrouvé, rêvé - perdu. Un temps circulaire, comme chez les Celtes.
Souvent mélancolique à la russe (à l’irlandaise ?), jamais triste ni pesant, Lambert nous promène à la recherche des fragments d’un passé imaginaire, à la rencontre de femmes oublieuses ou fidèles.
Christopher Gérard
Michel Lambert, Je me retournerai souvent, Editions Pierre-Guillaume de Roux, 192 pages, 18€
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03 août 2018
Avec Michel Lambert
Placé haut par les regrettés Pol Vandromme, Bernard de Fallois et Vladimir Dimitrijevic, trois orfèvres en matière littéraire, Michel Lambert, écrivain, journaliste, un temps rédacteur en chef de la revue de la Promotion des Lettres belges, Le Carnet et les instants, est aujourd’hui l’un des auteurs « maison » de Pierre-Guillaume de Roux, qu’il a connu aux éditions du Rocher et qu’il considère comme « l’éditeur quasi idéal, c’est-à-dire un éditeur qui a les qualités de culture et de passion littéraire, mettant la littérature au-dessus de tout, comme Vladimir Dimitrijevic (…) S’ajoute à ce regard littéraire un certain recul éditorial par rapport aux risques commerciaux que l’on peut prendre ou non. »
Nouvelliste maintes fois primé, Michel Lambert revient au roman avec L’Adaptation, un livre d’une vertigineuse complexité pour qui se donne la peine de le lire avec attention. A partir de La Jeune fille brune, roman du Serbe Alexandre Tišma (que Michel Lambert a naguère préfacé), l’auteur bâtit un labyrinthe à l’issue duquel fusionnent littérature, cinéma et réalité.
Le narrateur de L’Adaptation est un réalisateur sur le retour qui rêve d’adapter La Jeune fille brune au cinéma et, de manière étrange, revit les mêmes péripéties, notamment amoureuses. Ceci nous vaut une plongée dans le monde des acteurs, et surtout dans l’âme tourmentée du réalisateur, dont le lecteur découvre une à une les riches facettes. En filigrane, le souvenir encore douloureux de la mort de l’épouse du narrateur, la hantise de la maladie, sur fond d’attentats sanglants – nous sommes dans la Bruxelles traumatisée par les tueries islamistes. Tout le roman baigne dans une atmosphère de nostalgie et de déclin, qu’il soit physique, professionnel ou sentimental.
De quête aussi, à l’instar de celle du Chevalier médiéval à la poursuite d’une Dame inaccessible.
Comme nous sommes dans les anciens Pays-Bas, nul ne s’étonnera que Michel Lambert joue des couleurs et des ciels, pareil à un peintre de l’ancien temps pour qui les nuages peuvent refléter des sentiments mouvants. Des sons aussi, et des odeurs tant sont omniprésentes, dans L’Adaptation, les synesthésies. De même, les mises en abyme scandent un récit où réalité et imaginaire interagissent en cercles concentriques, où les personnages se dédoublent, à l’image du narrateur et de ses compagnes : « Alors, à quoi bon m’obstiner à chercher un corps, celui de Marielle, ou un autre, celui de Betty, qui m’eût permis de soulager la faim née de mon effort de concentration, née de la solitude dans un appartement trop grand, née peut-être, j’y repensais parfois, un jour très lointain de mon adolescence quand s’était donnée à moi la jeune et éphémère maîtresse de mon père – et qui sait si mon aventure avec Betty ne reproduisait pas, inversée, cette première miraculeuse et culpabilisante aventure ? »
Christopher Gérard
Michel Lambert, L’Adaptation, Editions Pierre-Guillaume de Roux, 250 pages, 20 €
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20 février 2018
Aux Armes de Bruxelles
Une heure d'entretien à bâtons rompus avec Jacques De Decker,
Secrétaire perpétuel de l'Académie royale :
https://www.dailymotion.com/video/x6dqf62
Il existe une autre Bruxelles, celle que Christopher Gérard, amoureux de nos racines grecques et romaines, passionné par l'histoire de sa ville, attentif au destin de notre poudreuse Europe, nous raconte avec une érudition qui n'est jamais pesante car toujours soutenue par l'humour; par cette nécessaire insolence qui est la marque des esprits libres.
Gabriel Matzneff, Le Point
Un cicérone esthète, érudit et gourmand.
Michel Mourlet, La Nouvelle revue universelle
Une écriture merveilleusement ciselée, un humour discret, une solitude un peu tragique et une gourmandise assumée (...) l'un des plus beaux livres de flâneur jamais écrits.
Olivier Maulin, Valeurs actuelles
Qu’y-a-t-il de plus rasoir qu’un guide touristique ?… Eh bien, d’un difficile exercice de visite guidée Christopher Gérard a su faire un conte enchanteur.
Thierry Marignac, Antifixion
Un amoureux fou de Bruxelles nous livre avec entrain ses flâneries urbaines d'une qualité rare. L'écriture s'avère sensuelle, fluide, aisée.
Marc Danval, Brussels Magazine
Et le lecteur de mettre ses pas dans les leurs, pour une promenade légère, érudite, sapide, un brin sélect aussi, car les bas-fonds aussi y sont choisis avec soin. Une de ces pérégrinations en camarades comme on en ferait mille autres, mais qui demeure gravée, unique, dans la mémoire du cœur.
Frédéric Saenen, Le Carnet et les instants
https://le-carnet-et-les-instants.net/2017/08/31/gerard-aux-armes-de-bruxelles/
Le livre d’un civilisé.
Vladimir Dimitrijević
Rarement ville aura été autant choyée dans une prose aussi chaleureuse, aussi vibrante, jadis et aujourd'hui confondus, avec érudition, noblesse et simplicité. Nous savons en refermant ce livre que le Belge refuse de marcher en file indienne.
Alfred Eibel, La Revue littéraire
Une délicieuse flânerie dans un haut lieu de la civilisation du Saint-Empire, sous la conduite d’un guide qui sait à la fois voir, décrypter et écrire.
Bruno de Cessole, Valeurs actuelles
Un insaisissable flâneur, tantôt aristo-mondain, tantôt populo-voyou.
Frédéric Saenen, Parutions.com
Christopher Gérard, infatigable piéton de Bruxelles, infatigable lecteur, infatigable fouineur, excentrique rêveur.
Jacques Franck, La Libre Belgique
Léger, vif, jubilatoire, euphorique, espiègle. C’est le ton d’un mousquetaire septentrional qui connaît tous les secrets de sa capitale et nous les fait partager. (…) Christopher Gérard est délicieusement gourmand, il sait préparer les plats tout autant que les livres. Sous sa main experte, l’initiation à sa ville devient comme une dégustation à livre ouvert. Les arts de la plume et de la table y voisinent. Alexandre Dumas et Brillat-Savarin réunis.
François-Laurent Balssa, Le Choc du mois
Aux Armes de Bruxelles renvoie des parfums de librairie ancienne, de salon de thé et de fine restauration. Le tout est patiemment élaboré, du bout de la plume, par un mousquetaire intrépide.
Alain Bertrand, Les Amis de l’Ardenne
Un quadrillage alerte et précis, peuplé de fantômes illustres.
Claire Devarrieux, Libération
Aux Armes de Bruxelles serait dès lors l’ouvrage d’un collectionneur d’antiques qui aurait trempé sa fibule dans l’encre du souvenir. Une petite douceur qui envoûte par un effet de sortilège tout ghelderodien.
Rony Demaeseneer, Le Carnet et les instants
Vous avez l'imagination nervalienne et rien n'est plus rare aujourd'hui.
Philippe Barthelet
Ainsi, grâce à votre texte à la foix charmeur et savant, je finirai par me souvenir de ce que j'ai manqué - oui, tout cela est exquis et douloureux."
Guy Vaes
Il faut savoir flâner, s'attarder, savoir perdre un peu de temps, et vous le faites de façon raffinée.
Ghislain de Diesbach
Lien vers l'éditeur : http://www.pgderoux.fr/fr/Livres-Parus/Aux-armes-de-Bruxelles/249.htm
et page FB de ce livre :
https://fr-fr.facebook.com/Aux-Armes-de-Bruxelles-188935114508115/
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16 janvier 2018
Quatre poètes belges
Quatre poètes, dont trois amis chers, illustrent chacun à leur façon la vitalité de leur art en Belgique romande, « terre de poètes » pour citer un cliché … usé jusqu’à la trame – mais pas entièrement faux. Quelques maisons d’édition, quelques revues, maintiennent le cap, souvent par la grâce du mécénat public ou privé et avec l’aide de quelques figures tutélaires, dont Fernand Verhesen, Jacques Izoard ou Yves Namur.
Commençons par une dame dont j’ai parlé ailleurs, dans mes Quolibets, la piquante Corinne Hoex (1946), historienne d’art et archéologue, romancière et l’auteur d’une quinzaine de recueils souvent elliptiques jusqu’à l’ascétisme. Je reçois, tristes et sombres, des Leçons de ténèbres qui m’évoquent les pièces pour viole de gambe de Marin Marais, où l’exquise Corinne, qui peut se montrer tantôt espiègle, tantôt cruelle, révèle ici sa part mélancolique, quasi désespérée :
Caveau transi.
Humide.
Crypte basse.
Eventrée.
Cierges fumeux.
Crucifix absent.
La suit Marc Hanrez (1934), ce romaniste qui eut l’audace, en dernière année d’études, de pousser la porte de Céline à Meudon et de faire parler celui que le regretté Pol Vandromme appelait Louis. Devenu l’ami de Nimier, puis de Dominique de Roux (excusez du peu), il rédigera le premier essai consacré à l’auteur du Voyage au bout de la nuit. L’homme a vécu aux Amériques ; il a chassé le daim dans les forêts du Wisconsin et enseigné Abellio, Drieu et Morand à des générations d’étudiants. Avec America Felix, il revient, en vers très libres, sur sa jeunesse américaine, baignée par le jazz et par le chant des moteurs de pickups sur les highways. La baie de San Francisco, les forêts giboyeuses, Manhattan et sa magie, Paul Newman lui inspirent une étrange mélopée.
Le troisième ami, Jean-Loup Seban (1748), est un drôle de pistolet : ancien professeur à Princeton, spécialiste du marquis d’Argens, le chambellan du roi de Prusse et l’ami de Voltaire (et le traducteur de l’empereur Julien), pasteur de l’Eglise réformée (qui ne jure que par Apollon), dandy suranné et bibliophile (rien de postérieur à Charles X, car ensuite…), Seban meuble ses loisirs en reconstituant une bibliothèque classique, par l’accumulation de volumes anciens et, surtout, par la composition de sonnets rédigés dans les règles telles qu’énoncées par César-Pierre Richelet (1626-1698).
Hors commerce, ses recueils sont édités à ses dépens avec un soin maniaque, qui va jusqu’à imiter les couvertures marbrées du XVIIIème. Dans L’Epopiade & L’Apolloniade, ce libertin au sens classique, cet érudit précieux avec délectation, chante, en alexandrins, Chénier et Napoléon, Marsyas et Narcisse… et même le dernier César :
Faut-il que pour la paix César se déshonore ?
Abandonner la ville au Dieu de l’Alcoran ?
Comme Jérusalem où règne le Turban ?
Faillir à la vertu de Rome et de la Grèce ?
Le quatrième, André Gascht (1921-2011), un Ardennais éduqué à Anvers à une époque où l’on y parlait français sans crainte, je ne l’ai guère rencontré que deux ou trois fois lors de mes débuts à la Maison des Ecrivains ou aux Riches Claires, ce haut-lieu littéraire de la capitale. L’homme était distant, immensément savant, ironique aussi – un monument de la critique littéraire avec son confrère Jean Tordeur. Spécialiste de Pieyre de Mandiargues, Gascht a, avec une piété qui l’honore, maintenu le souvenir d’un immense poète, Odilon-Jean Périer, que j’ai salué avec émotion dans Aux Armes de Bruxelles. En outre, Gascht a tout fait pour qu’un autre confrère, le lieutenant Auguste Marin, tué sur la Lys le 24 mai 1940, ne sombre pas dans un injuste oubli. C’est en effet André Gascht qui fut l’éditeur des œuvres de ce poète, proche de Périer. J’aime par-dessus tout cette manière de constituer le maillon d’une chaîne…
Quant au poète, pudique et discret, il a donné le meilleur de lui dans un recueil unique publié à quarante-cinq ans, Le Royaume de Danemark. L’ouvrage, réédité avec une préface enthousiaste de Jacques De Decker, traduit en alexandrins classiques l’amertume d’une âme raffinée, les amours impossibles et les désirs inassouvis. Comme souvent en Belgique romande, le poète se révèle syncrétiste, à la fois classique et romantique. Une voix sourde et profonde, qui ne cesse de résonner :
Désir de ta gorge entrevue,
de tes flancs tièdes et secrets,
de tes jambes qui, dans la rue,
lèvent des rêves indiscrets.
Mais tu t’en vas, à peine émue
de ce regard qui te suivait ;
et tu traverses l’avenue,
tu t’éloignes, tu disparais…
Christopher Gérard
Corinne Hoex, Leçons de ténèbres, Le Cormier.
Marc Hanrez, America Felix, Le Bretteur.
Jean-Loup Seban, L’Epopiade & L’Apolloniade,
chez Robert Clerebaut, imprimeur.
André Gascht, Le Royaume de Danemark, Le Taillis-Pré, collection Ha !
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29 octobre 2016
Exit Georges Thinès
Grande perte pour nos Lettres : Georges Thinès vient de décéder à l'âge de 93 ans. Je l'avais connu il y a une douzaine d'années grâce à mon éditeur (qui était aussi le sien, comme pour nombre d'écrivains belges) l'irremplaçable Dimitri, le fondateur des éditions L'Age d'Homme. J'avais lu ses Effigies, un bijou d'érudition et de finesse, il m'avait offert son Mythe de Faust en évoquant l'Occupation, le cadre de son magnifique roman jungerien Le Tramway des officiers. Un grand bonhomme, prix Francqui, violoniste, engagé volontaire dans la Royal Navy, professeur de psychologie expérimentale dans trois ou quatre langues... Et quel traducteur de Pessoa! Oui, une grande pointure, et un homme d'une exquise urbanité.
Sit tibi terra levis!
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